samedi 4 juin 2016

#ChallengeAZ - D comme Dispense (ou le curé généalogiste de Lauzun)

Pour se marier aujourd'hui en France, les restrictions sont moindres qu'avant la Révolution Française. Vous pouvez par exemple légalement vous marier entre cousins. Sous l'Ancien Régime, c'est l'Eglise qui gère les sacrements, dont le mariage. Et qui accorde le droit ou non de se marier.

Plusieurs dispenses existent, afin de contourner les règles très strictes de l'Eglise sur le sujet. Par exemple, la dispense d'affinité spirituelle. Normalement, quelqu'un qui est parrain ou marraine ne peut, sauf dispense, se marier avec son/sa filleul(e) ni même avec un des parents de l'enfant.

Mais la dispense qui va nous intéresser ici est la dispense de consanguinité. Sous l'Ancien Régime, l'Eglise interdisait le mariage entre parents jusqu'au 4è degré canonique. En droit canonique (ou droit religieux), on calcule les degrés en comptant le nombre de générations jusqu'à l'ancêtre commun.


Pour obtenir une dispense pour le 2è degré, il faut la demander directement à Rome. Pour les 3è et 4è degrés, c'est l'évêque qui va se charger de vérifier et de donner (ou pas) la dispense.

C'est notre cas ici. Nous voici à Lauzun, paroisse Saint-Nazaire, dans l'actuel département du Lot-et-Garonne, en 1758. Les dits Jean Duffeu et Pétronille Barré désirent se marier, mais ont un arrière-arrière-grand-père en commun. L'Eglise ne leur permet donc pas de se marier, sauf à obtenir une dispense. C'est pourquoi ils sont convoqués "dans la maison qu'habite le sieur maitre Jean Lescure Bachelier en theologie et curé dudit Saint-Nazaire".

Celui-ci, pour accorder la dispense, doit s'assurer de plusieurs points. L'un après l'autre, d'abord le dit Jean Duffeu, ensuite la dite Pétronille Barré, ils vont répondre aux questions du curé et de la "commission" mise en place pour examiner leur demande.

On commence par l'état civil des requérants.

Puis le curé s'assure de la bonne volonté des requérants "interrogé s'il n'a point été forcé, violenté et contraint par crainte, surprise ou autrement de rechercher en mariage Pétronille Barré sa parente et de présenter la dite requete
a répondu non."

Ensuite vient la question essentielle de cette dispense, le degré de parenté.
"Interrogé en quel degré il est parent de la dite Pétronille Barré.
A répondu que c'est au quatrième degré".

S'ensuit alors de la part de notre curé un bout d'arbre généalogique, qui ravira les généalogistes que nous sommes en ce qu'il nous donne tout simplement les 4 générations précédant celle de nos futurs mariés. Autant dire une aide précieuse pour les recherches, d'autant plus que le marié n'est pas de la paroisse de la mariée.

Archives en ligne du Lot-et-Garonne - Lauzun
Registres paroissiaux 1753-1757 - E SUP_1504

Les mêmes questions seront posées à la requérante, qui apportera les mêmes réponses. Puis aux témoins, à savoir les parents, un frère et un oncle de la mariée et un oncle du marié.

Enfin, le curé rend sa décision, qui va dans le sens de la demande des requérants.

Tout considéré le Saint Nom de Dieu invoqué, vu ce qu'il résulte du dit procès
verbal et empiètement. Disons que nous avons dispensé et dispensons
Lesdits Jean Duffeu et Pétronille Barré de l'empêchement dirimant
du quatrième degré de consanguinité qui est entreux, leur avons
permis et permettons non obstant iceluy de contracter et solenniser
mariage ensemble, en face de notre mère La Sainte Eglise, suivant
les cérémonies requises par le Saint Concile de trente et
les ordonnances de Notre diocese ; dans lequel mariage
ainsi contracté

2 commentaires:

  1. Je n'ai rencontré un tel effort du curé qu'une seule fois, dans les registres de la Batie Divisin (Isère). Il donnait trois générations successives. C'est une chance merveilleuse pour nos âmes de détectives.

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  2. Lorsque les curés deviennent généalogistes, quelle chance de découvir un tel dessin !

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