lundi 24 février 2014

Frères d'armes

Il est parfois des destins particuliers, quand des voisins, des amis peut-être se croisent, se retrouvent, sur le chemin de cette guerre qui va les voir tomber.

Alcide Désiré Auclerc est né le 14/04/1875 à Buno-Bonnevaux, petit village de l'Essonne dont j'ai déjà parlé maintes fois. Selon sa fiche matricule, il exerce la profession de maçon. Il est appelé sous les drapeaux le 16/11/1896 et y passera presque 3 ans, jusqu'à son envoi en disponibilité en septembre 1899. Malheureusement pour lui, la guerre va le rappeler à l'activité par suite de la mobilisation générale. Il intègre le 35ème Régiment Territorial d'Infanterie. Il passera ensuite au 405è RI le 04/09/1915.

Charles Lucien Pericat est né quant à lui le 13/03/1894, dans le même village de Buno-Bonnevaux. Même s'il réside à Tousson (proche commune de Seine-et-Marne) en 1914 selon sa fiche matricule, on peut aisément supposer qu'il connaît Alcide Auclerc. Dans ce village de 323 âmes en 1911, tout le monde se connaît. Alcide Auclerc a peut-être connu sur les bancs de l'école un des oncles de Charles Pericat, né dans les mêmes années que lui.

J'ai déjà évoqué les frères Pericat, tous trois décédés en quelques mois sur le front ici.

Charles Lucien est passé au 405è RI le 15/03/1915, où il sera donc rejoint le 04/09/1915 par Alcide Désiré. Peut-être se sont-ils croisés, peut-être ont-ils profité du défilé le 24 septembre à Izel-les-Hameaux devant le Colonel et devant le Général Toulorge pour parler de leur village qu'ils aimeraient tant retrouver. Ils peuvent se remémorer les rues du village, les bals du 14 juillet, la place de l'église où l'on aime à se retrouver entre amis pour discuter.

La suite sera forcément moins gaie, comme tous les combats auxquels ils ont déjà pris part. "Le 25 au matin, le Régiment est en tranchées, entre Mont-Saint-Eloi et le ferme de Bethonval, prêt à appuyer l'attaque soit sur Souchez, soit sur Vimy. A 13h30, les Bataillons s'ébranlent en colonnes doubles, les Compagnies en ligne de sections par quatre, sous le feu des 150 et 105 allemands. La nuit se passe en avant de la route de Béthune, à hauteur de Neuville-Saint-Vaast. Le 26, de la seconde ligne une partie du 2ème Bataillon appuie le mouvement du 407ème et perd quelques dizaines de tués ou blessés. Le lendemain 27 est calme. Enfin, à minuit, le Régiment tout entier va prendre position sur le terrain déjà conquis devant le bois de la Folie par les 5ème et 6ème Divisions. Le 405ème est mis à la disposition du Général commandant la 11ème Brigade. La 5ème Compagnie s'empare à le grenade de deux points importants , puis, à partir de 11h20, toutes les unités sont successivement engagées, prenant le tranché Nietzsche, le Boyau des Communs, les retournant, les organisant, non sans avoir perdu les deux tiers des Officiers (tués ou blessés) et un millier d'hommes. Le 405ème a beaucoup souffert certes, mais il a fait l'admiration de tous ceux qui ont eu la privilège de le voir à l’œuvre." (Historique du 405è RI)

Les deux compagnons sont décédés le même jour, le 28 septembre 1915, à Neuville-Saint-Vaast, lors d'une de ces offensives destinées à gagner un bois, une plaine, une butte, qui de toute manière sera très certainement perdu les jours suivants, quand ce n'était pas le jour même.

D'après sa fiche matricule, Charles Lucien Pericat est déclaré disparu, il fait parti de ces hommes dont le corps ne sera pas retrouvé, parce que les obus, les grenades ont creusé des trous où souvent sont enfouis les corps de soldats morts et que leurs camarades n'ont pas le temps d'ensevelir convenablement.

Source : Registres matricules archives 78

Alcide Désiré Auclerc aura plus de "chance". Son décès a été constaté le 12/11/1915 et son corps est inhumé au cimetière de la Motte (Pas-de-Calais), d'après son registre matricule. Mais son décès a bien été fixé au 28/09/1915 par jugement déclaratif de décès du Tribunal Civil d'Etampes.


Source : Registres matricules archives 78

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